4e) Chapitre n°9 : III Quelles sont les relations entre le patron et ses ouvriers au Creusot au XIXe siècle ?

À la fin du XIXe siècle, le journaliste Jules Huret visite la ville du Creusot pour enquêter sur la situation des ouvriers de son époque : il y rencontre des ouvriers et leur patron, Monsieur Henri Schneider, le fils d'Henri Ier Schneider et son successeur à la tête de l'entreprise familiale. Lors de son séjour, Jules Huret se promène aussi dans les rues de la ville du Creusot où il découvre une œuvre d’art :

Lisez le texte suivant, puis répondez aux oralement aux questions :


« Je traverse la grande place de la ville. Au centre de la place, une statue en bronze se dresse. Un homme, debout, regarde devant lui l’énorme usine. Sur le piédestal de la statue, il y a une inscription : [offert par la population] du Creusot, à Eugène Schneider. C’est l’effigie du fondateur des usines du Creusot, le père du directeur actuel. Devant le socle de la statue du patron, il y en a deux autres : une femme du peuple indique de son bras levé la statue de son « bienfaiteur » à un jeune forgeron d’une dizaine d’années. C’est là l’unique monument du Creusot. Il s’érige mélancoliquement au milieu de l’espace désert. Sans cesse, la lourde fumée qui sort de l’usine vient caresser les statues et les recouvrir lentement d’une crasse épaisse. » D’après Jules Huret, Enquête sur la question sociale en Europe, 1897


Statue réalisée par l’artiste Henri Chapu et érigée au Creusot en 1878.

   
1) De quel type d'oeuvre d'art est-il question dans le texte ? De quand date-t-elle ?
2) Qui est le personnage principal représenté sur cette œuvre d’art ? 
3) Pour quelle raison la population du Creusot a-t-elle pu décider d'offrir une statue à Eugène Schneider après sa mort ? 
4) Quel est le mot utilisé dans ce texte pour désigner Eugène Schneider ?

Ce texte décrit l'un des rares monuments existant au Creusot : une statue de bronze à l'effigie d'Eugène Schneider, qui a été le fondateur des usines de sidérurgie et de métallurgie du Creusot. Cette statue a été offerte par les habitants du Creusot en remerciement pour la prospérité apportée au Creusot par l’usine Schneider, qui emploie une grande partie de la population. D'ailleurs, le journaliste Jules Huret explique qu'Eugène Schneider est considéré comme une sorte de « bienfaiteur » pour la ville. On remarquera qu'avec une certaine ironie, les fumées noires émanant de l'usine viennent encrasser la statue de leur ancien propriétaire !

Les relations entre les ouvriers du Creusot et les patrons de l’usine Schneider sont-elles aussi idéales que cela au XIXe siècle ?

Afin de répondre à cette question, vous devrez faire la Fiche d'Histoire n°17 sur la page de gauche de votre cahier. Elle vous permettra de confronter le point de vue d'un contremaître à celui d'un ouvrier des usines Schneider.

En l'absence d'une Sécurité sociale généralisée, les ouvriers du Creusot bénéficient d'un certain nombre d'avantages sociaux, comme l'accès à des soins et à une retraite. En effet, le cas de l’entreprise Schneider est assez particulier. Elle a besoin de beaucoup d’ouvriers dans ses usines du Creusot et elle veut fidéliser cette main d’œuvre, pour qu’elle ne parte pas travailler ailleurs. Très tôt, une caisse de secours est créée par l’entreprise : une partie du salaire des ouvriers est prélevée pour financer des écoles, un hôpital, des indemnités sont versées pour aider les ouvriers malades ou blessés. Si leur condition reste difficile, avec un travail extrêmement fatigant qui nuit à leur santé et des salaires qui restent assez bas, les ouvriers des usines Schneider bénéficient alors d’avantages dont ne profitent pas la plupart des autres travailleurs français du XIXe siècle, grâce à la politique paternaliste mise en place par leur entreprise. 

Cette politique sociale de l’entreprise est visible dans le paysage de la ville du Creusot. L’entreprise achète des terrains, des logements y sont construits pour que les ouvriers puissent habiter près des usines. À partir de 1870, les ouvriers les plus fidèles pourront même parfois acheter une maison et un petit jardin avec l’argent prêté par l’entreprise. Le patron espère ainsi que les ouvriers métallurgiques qualifiés resteront sur place et qu’ils seront plus dociles. C’est aussi une façon de contrôler les ouvriers pour qu’ils ne se révoltent pas. S’ils font grève, ils ne pourront pas rembourser l’argent prêté et ils perdront leur maison.

Est-ce que la politique paternaliste de l'entreprise Schneider a totalement éteint la contestation sociale au Creusot durant le XIXe siècle ?

Observez ce tableau et lisez le texte en-dessous. Vous pouvez compléter votre lecture en allant voir la page du site L'Histoire par l'image qui fait un commentaire plus détaillé de cette œuvre.

Tableau de Jules Adler, La Grève, 1899. Écomusée de la Communauté, Le Creusot, France

Le paternalisme à l’œuvre dans les usines Schneider vaut au Creusot de s’être imposée comme un espace de paix sociale, que rien n’est venu troubler depuis 1871. Trois grèves se succèdent pourtant de mai 1899 à juillet 1900, sous l’effet conjoint de l’accélération des cadences et de l’accession d’Eugène II Schneider à la direction de l’entreprise. Les ouvriers revendiquent de pouvoir se syndiquer. Ils cessent le travail en mai 1899 et constituent leur syndicat. Le 2 juin, 1899, Eugène Schneider paraît céder à leurs revendications. Le travail reprend. Comme les promesses n’ont pas été tenues, la grève recommence le 20 septembre 1899 pour "la reconnaissance de syndicats, la liberté de conscience et la suppression de la police occulte". Le 24 septembre 1899, une grande manifestation rassemblant près de 7 000 ouvriers est organisée. C'est cette journée de grève et de manifestation qui est peint par Jules Adler. Paradoxalement, cette oeuvre est souvent utilisée pour illustrer les mouvements de grève ouvriers du XIXe siècle, alors qu'elle représente un événement tout à fait exceptionnel dans l'histoire du Creusot, où la contestation sociale fut rare !

Quelles avancées sociales les ouvriers d'Europe obtiennent-t-il dans la 2nde moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle ?

Lisez attentivement cette chronologie des lois sociales dans le monde, puis répondez oralement aux questions qui suivent :

1824
Angleterre : Reconnaissance du droit de grève.
1864
France : Reconnaissance du droit de grève.
1869
Prusse : Journée de travail limitée à 10 heures pour les enfants de 14 à 16 ans.
1871
Allemagne : Reconnaissance du droit de grève et du droit syndical
Angleterre : Reconnaissance du droit syndical.
1874
Angleterre : 1 million de syndiqués.
1883-1889
Allemagne : Assurances maladie, accident du travail et retraite.
1884
France : Reconnaissance du droit syndical
1886
Etats-Unis : Grandes manifestations du 1er mai pour réclamer la journée de 8 heures de travail : 
1892
France : Journée de travail de 12 heures dans l’industrie
1900
France : Journée de travail de 10 heures.
1911
Angleterre : Système d’assurance chômage et maladie.
1919
France : Premières lois sur les assurances sociales (maladie, vieillesse, famille).
1936
France : Semaine de 40 heures, 2 semaines de congés payés.

1) Quels sont les deux pays où les lois sociales ont été les plus anciennes ? 
2) Quels sont les principaux droits sociaux obtenus par les ouvriers au XIXe et au début du XXe siècle ?

L’Angleterre et l’Allemagne sont les deux pays où des lois sociales portant sur le droit de grève, le droit syndical la durée du travail et la protection sociale ont été votées le plus précocement. Les avancées sociales ont d'abord porté sur le droit de grève, puis le droit de se syndiquer. Par la suite, les actions des ouvriers portent sur l'obtention d'une assurance chômage et d'une assurance maladie, ainsi que sur la diminution de la durée de la journée de travail.

Recopiez la définition de "paternalisme" sur la page de gauche de votre cahier, puis recopiez la trace écrite suivante en-dessous :

Le paternalisme : Attitude d’un chef d’entreprise qui donne à son personnel des avantages sociaux, qui renforcent son autorité. 

Trace écrite : L’industrialisation a aussi des conséquences sociales. Dans les entreprises, les patrons dominent les ouvriers, qui doivent leur obéir pour garder leur travail et ne pas sombrer dans la misère. L’exemple du Creusot montre le pouvoir des Schneider, qui contrôlent les ouvriers en renvoyant les contestataires et en appliquant en une politique paternaliste avec des avantages aux ouvriers les plus obéissants, d’où cette image de bienfaiteurs. Ailleurs en France ou en Europe, la condition des ouvriers reste très dure en raison des salaires très bas, des longues journées de travail, de l'absence de protection sociale généralisée en cas de maladie ou de blessure, pas de retraite obligatoire et peu d’instruction pour les enfants d'ouvriers. De plus en plus nombreux avec les progrès de l’industrie, les ouvriers utilisent parfois la grève pour obtenir de meilleurs salaires et une vie moins pénible. Ils sont soutenus par des syndicats. Ces contestations des inégalités sociales aboutissent au vote de plusieurs lois sociales en Europe à partir des années 1860 portant sur le droit de grèvede se syndiquer, la protection sociale ou sur la durée légale du travail

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